Titre
Attache des généraux des finances concernant le rattachement de treize paroisses au grenier à sel du Havre (18 avril 1518)
Favoriser et développer le commerce maritime tout en assurant la protection des navires marchands, telle fut une des raisons principales pour laquelle François Ier voulu résolument bâtir un nouveau port sur la côte de Normandie. En 1517, outre de nombreux autres privilèges, il accorda aux habitants de Grâce le perpétuel et irrévocable droit du franc-salé, les exemptant pour toujours de la plus lourde taxe qui était levée en ce temps : la gabelle. Impôt sur le sel, haït et redouté du peuple, il obligeait chaque famille à renouveler tous les trois mois la réserve de cette denrée, selon une quantité et une valeur fixées par les officiers des finances. Les habitants du nouveau port pouvaient, eux, se faire délivrer autant de sel qu’ils le désiraient, pour le produit de leurs pêches et leur usage personnel. La vente de ce qui restait de cette provision était strictement interdite dans une grande partie du royaume. Au havre de Grâce, le roi l’avait rendue possible, sous le contrôle d’un officier du grenier à sel. Dès octobre 1517, date de naissance de la ville, François Ier projeta d’y installer un bureau des gabelles. Il annexa à sa juridiction, l’année suivante, treize paroisses des environs, originellement rattachées au grenier à sel de Harfleur. Le produit de cette gabelle, après avoir servi pour partie à l’entretien du grenier de Grâce et à la solde de ses officiers, serait employé à la construction des fortifications de la cité et à son développement.
l.1 Les generaulx conseillers du roy nre [nostre] sire sur le fait et gouvernement de ses finances veues par nous les l[ect]res patentes du roy n[ost]red[ict] β r[seigneur] lesquelles ces p[rese]ntes
l.2 sont atachees soubz lun de noz signetz par lesquelles et pour les causes y contenues icelluy βr [seigneur] a exempte et affranchy de toutes tailles qui seront assises et imposees
l.3 de par luy en son royaume toutes les personnes qui sont a pnt [present] habitans et demourans et doresenavant viendront habiter et demourer en la closture de la ville
l.4 que led[ict] βr [seigneur] a voulloir et intencion faire construire et ediffier au long du port et havre de grace et veult icelluy βr [seigneur] quilz en soient francz et quictes et dabondant
l.5 leur a le roy n[ost]red[ict] βr [seigneur] par sesd[ictes] l[ect]res donne et octroye leur franc saller tant pour le fait de la pescherie droguerie que pour leur user sans payer aud[ict] Br [seigneur] aucun droit
l.6 de gabelle ne autres choses pour led[ict] sel quilz acheteront tout ainsi et par la forme et
maniere que en jouissent et usent de p[rese]nt les manans et habitans de la ville
l.7 de dieppe le tout pour le temps et terme de dix ans et a co[m]mencer du jour et dacte
desd[ictes] l[ect]res et pareillement veult led[ict] βz [seigneur] et luy plaist que tous marchans et
l.8 autres de quelque estat quilz soient qui vouldront ediffier bastir ou faire bastir maisons
aud[ict] lieu de grace et que tous ceulx qui auront maisons propres a eulx
l.9 appartenans en lad[icte] ville Combien quilz ne soient demourans sur le lieu aient leur franc
saller pour la pescherie des harens macquereaulx et autres poissons qui
l.10 par eulx seront sallez aud[ict] lieu de grace tout ainsi que silz estoient habitans aud[ict] lieu
de grace Et pour ce quil estoit tres urgent et nectessaire creer et eriger
l.11 grenier a sel aud[ict] lieu de grace pour les causes que dessusd[ictes] ce que led[ict] Bz
[seigneur] a ja fait duquel grenier seront subgeitz les habitans des paroisses qui ensuyvant cestasβ
[assavoir]
l.12 Les parroissiens des parroisses sainct nicolas de leure ingouville sainct andresche sanvic
fontaines saint berthelemy haulteville rambertot cauville
l.13 buglise heuqueville saint jouyn et bruneval lesquelles parroisses sont plus prouchames
dud[ict] lieu de grace que que de harfleu et seront subgeitz iceulx parroisB [paroisses]
l.14 aller doresenavant prendre et lever le sel tant pour leurs usages que autrement en paiant par
eulx le droit de gabelle et autres droictz et devoirs que pour ce
l.15 ont a coustume paier au grenier a sel de harfleu et tout ainsi et par la forme et maniere quilz
en ont use aud[ict] lieu harfleu Et a Icelluy Br interdit et deffendu interdit
L.16 et deffend ausd[ictz] parroissiens manans et habitans desd[ictes] parroisses non plus prendre
sel aud[ict] lieu de Harfleu ains aud[ict] lieu de grace tant pour leur user que po[ur]
l.17 droguerie lequel [i]lz prendront aud[ict] lieu de grace Comme [i]lz faisoient aud[ict] lieu de
harfleu et veult led[ict] Bz [seigneur] que les deniers qui y stront dud[ict] sel ainsi vendu
l.18 et distribue aud[ict] lieu de grace Estre convertis et employez au paiement des gaiges de ses
grenetier controlleur et mesureur dud[ict] grenier a sel de grace cestasβ [assavoir]
l.19 aud[ict] grenetier cent livres tournois aud[ict] controlleur soixantes livres et aud[ict]
mesureur le sallaire qui ont acoustume prendre et avoir les autres
l.20 mesureurs des autres greniers a sel dud[ict] Br [seigneur] et ou il y auroit aucuns deniers bons
oultre le paiement desd[ictz] gaiges du revenu dicelluy grenier icelluy Bz [seigneur] veult
l.21 le residu estre employe es reparacions et fortifficacions de lad[icte] ville durant led[ict] temps
Consentons en tant que a nous est lenterignement et ac[c]omplissem[en]t
l.22 desd[ictes] l[ect]res tout ainsi et par la forme et maniere que le roy n[ost]red[ict] Bz
[seigneur] le veult et mande par icelles pour en estre joy et use tant quil plaira et soubz le bon
l.23 plaisir dud[ict] Bz [seigneur] donne soubz lun de nosd[ictz] signetz le xviii me jour davril lan mil
cinq cens et dix huit apres pasques
T. Bohier
[Nous], les généraux conseillers en finances du roi notre Sire, avons vu les lettres patentes du roi
notre dit seigneur, qui sont attachées sous l’un de nos signets, et par lesquelles il exempte et
affranchi de toutes tailles imposées dans son royaume les personnes qui demeurent et qui,
dorénavant, viendront demeurer dans l’enceinte de la ville que ce seigneur a l’intention de faire
construire et édifier le long du port et havre de Grâce. Par ces mêmes lettres1, le roi leur a octroyé le
franc-salé pour le sel qu’ils achèteront, à l’effet de la pêche, de la droguerie et de leur usage
personnel. Ils ne devront payer pour cela aucun droit de gabelle ni autre chose, de la même manière
que les habitants de la ville de Dieppe. Ces privilèges sont donnés pour le temps de dix ans2 et
commencent à partir de la date des dites lettres. Il plait également au roi que bénéficient du francsalé
pour la pêche des harengs, maquereaux et autres poissons tous les marchands et gens d’autres
professions qui viendront saler leurs marchandises au lieu de Grâce, qui voudront y vivre et qui
seront propriétaires de maisons en cette ville.
Pour cela, il est urgent et nécessaire de créer et d’ériger un grenier à sel au lieu de Grâce, auquel
seront dorénavant rattachés les habitants des paroisses qui suivent, à savoir : Saint-Nicolas-de-Leure,
Ingouville, Sainte-Adresse, Sanvic, Fontaines, Saint-Barthélémy, Octeville, Rembertot, Cauville,
Buglise, Heuqueville, Saint-Jouin et Bruneval. Ces paroisses étant plus proches du lieu de Grâce que
de Harfleur, leurs habitants devront dès à présent prendre et lever le sel, servant à leur usage
personnel ou à leurs produits, au dit havre de Grâce, en payant les mêmes droits de gabelle et
impôts qu’ils payaient à Harfleur. Le roi interdit et défend à ces paroissiens de prendre à l’avenir leur
sel au grenier de Harfleur. Les deniers issus de la vente du sel au Havre de Grâce seront employés au
payement des salaires des grenetier, contrôleur et mesureur du grenier à sel de ce lieu, à savoir : au
dit grenetier, cent livres tournois ; au dit contrôleur, soixante livres tournois ; et au dit mesureur le
salaire que reçoivent habituellement les mesureurs de nos autres greniers à sel. Il n’y aura aucun
bénéfice, sauf pour payer ce qui est nécessaire pour le bon fonctionnement du grenier et les salaires
de ses officiers, car nous voulons que ce qui reste de l’argent soit employé aux réparations et
fortifications de la ville, pendant le temps fixé ci-dessus. Nous acceptons de ratifier ces lettres, ainsi
que le roi notre seigneur le veut et le demande, pour qu’elles soient effectives tant qu’il plaira à
notre souverain et selon son bon plaisir.
Donné sous l’un de nos signets le dix-huitième jour d’avril, l’an mil cinq cent dix-huit, après Pâques.
Thomas Bohier
1. Charte d’octobre 1517.
2. Ils seront ensuite, par des lettres-patentes faites au port de Grâce à l’été 1520, accordés à perpétuité.